Dans vos valises cet été, emportez avec vous l’ouvrage suivant. Certes, il n’est pas gai, mais il vous donnera le fruit d’un véritable travail de journaliste, réalisé par Pierre Haski (5 ans en Chine).
Il s’agit du Sang de la Chine, publié en 2005, et relatant le scandale du sang contaminé dans la province du Henan pendant les années 90.
Au début des années 90, les autorités sanitaires du Henan, une province rurale très peuplée située dans le centre de la Chine, ont incité les paysans les plus pauvres à vendre leur sang pour gagner un complément de revenu. La collecte du sang s’effectuait sans la moindre précaution d’hygiène, au risque de permettre la propagation de maladies infectieuses comme l’hépatite ou le sida. En 1995, le virus HIV a été découvert dans le circuit de ce commerce qui fut interdit sur ordre de Pékin.
Mais les autorités provinciales du Henan ont décidé de cacher la vérité, et de laisser mourir des dizaines, sans doute des centaines de milliers de paysans contaminés à leur insu. L’un des plus grands scandales liés au sida et une catastrophe humanitaire de grande ampleur se déroulent depuis dans le centre de la Chine, dans l’ignorance ou l’indifférence générale. Ce n’est qu’en 2000 et 2001 que les premières informations ont commencé à circuler en Chine, dûment censurées par les autorités, mais relayées par l’internet naissant. En mai 2001, Pierre Haski se rend sur place pour vérifier ces rumeurs : il révèle, le premier dans la presse française, l’ampleur de l’épidémie. Et surtout l’ignorance dans laquelle est maintenue la population concernée : la première paysanne contaminée par le virus HIV à laquelle il parle ne connaît sa maladie que sous le nom de « fièvre », et son mari demande au journaliste : « vous pensez que c’est contagieux ?… » Depuis, le gouvernement chinois a commencé à prendre au sérieux le péril du sida en Chine, qui menace d’affecter dix millions de personnes à la fin de la décennie selon les études des Nations Unies. Pierre Haski est retourné dans ces villages, en compagnie du photographe Bertrand Meunier, voyageant de nuit pour éviter les milices interdisant l’accès aux journalistes et aux organisations non-gouvernementales chinoises. Ce livre retrace la genèse de cette affaire, définit les responsabilités, la replace dans le contexte d’une Chine fonçant à grande vitesse vers la modernité, mais sans états d’âme face aux «dégâts collatéraux» de cette transition d’une ampleur sans équivalent. Mais, surtout, il donne la parole à ces milliers de victimes anonymes, que le cynisme d’officiels largement responsables maintient dans l’ombre. Une partie des droits de ce livre iront aider les orphelins du sida du Henan.
Ce livre est le travail de Pierre Haski et de son ami photographe Bertrand Meunier, qui, pendant plusieurs mois, ont fait des aller-retour incessants (et souvent cachés car l’accès leur était interdit) dans ces villages de malades. Il est poignant, touchant, émouvant, mais d’une grande précision.
Outre les problèmes de corruption, de manipulations qu’il expose, il montre également les liens complexes entre le gouvernement central et les gouvernements provinciaux, mais aussi les luttes de pouvoir au sein du Parti Communiste Chinois.
L’arrivée de Hu Jintao au pouvoir a permis de faire cesser ces trafics odieux, mais pendant longtemps, son prédécesseur, Jiang Zemin, avait gardé les yeux clos… « Le Sida n’existe pas en Chine… »
Les photos de Bertrand Meunier sont saisissantes et font froid dans le dos. On imagine la détresse de ces paysans ignorants, laissés pour compte de la croissance chinoise…
Si on a vu le film Blind Mountain, la photo ci-dessous laisse imagine la violence et la peur qu’on dû subir les deux journalistes
En tout cas, Pierre Haski réalise dans son ouvrage un travail formidable, et son courage permet de mettre en avant un des plus gros scandales de la Chine.
La différence avec « notre » scandale du sang contaminé en France, c’est que les socialistes au pouvoir à l’époque, s’ils ont cachés les faits au débuts, ont ensuite pris les mesures nécessaires pour enrayer la situation. Pas en Chine, où dans le même temps, on donne à Pékin une médaille à l’un, mais l’on ferme des orphelinats dans le Henan.
Car n’oublions pas que pendant longtemps, le Sida n’existait officiellement pas en Chine !!
Mais pour que ce livre soit vraiment efficace, il faudrait qu’il soit traduit en chinois, car le temps passe plus vite qu’ailleurs en Chine, et emporte avec lui les traces du passé.
En interrogeant des Chinois éduqués sur ce scandale, pas un aujourd’hui, est au courant de l’affaire…. qui peut se reproduire sous une autre forme ici ou là….
Le Sang de la Chine est publié chez Grasset, le commander sur Amazon !
- Broché: 228 pages
- Editeur : Grasset & Fasquelle (20 avril 2005)
- Langue : Français
- ISBN-10: 2246686512
- ISBN-13: 978-2246686514
Photos : Bertrand Meunier
au fait, j’aime beaucoup le nouveau design du site, et les pages defilantes, sur la premieres page.
je vais l’acheter, on verra bien…
Vous ecrivez « En interrogeant des Chinois éduqués sur ce scandale, pas un aujourd’hui, est au courant de l’affaire.. »
Je ne sais quels sont les chinois eduques auxquels vous faites allusion, pour ma part, aucun de mes amis chinois n’ignore le scandale du sang contamine du Henan. Il faudrait etre aveugle d’ailleurs puisque meme les emissions d’information chinoise reviennent sur ce scandale regulierement. Il y a meme des associations chinoises qui travaillent sur place, comme sunshine par exemple.
Je vis depuis 7 ans en Chine, j’ai travaille dans un ONG qui a participe a l’elaboration d’un des premiers centre de soin pour les malades du SIDA. En sept ans la situation a largement evolue. C’est aussi cela la Chine, sa capacite a change tres vite quand la menace est reelle. Je ne dis pas que tout est parfait, mais la perception de ce qui se passe dans ce pays ne peut etre reduite a du manicheisme. Au contraire, tout est toujours complexe…
@Kmerounais : Merci 😀
@Deco : Alors ? tu l’as acheté ?
@ Ambre : Je ne connais pas votre âge, mais les personnes que j’ai interrogées ont toutes moins de 30 ans… sans doute est-ce l’une des explications