Germinal en Chine, les mines de charbon ou les mineurs esclaves

Les tragiques accidents miniers en Chine, comme celui qui a coûté la vie à plus de cent personnes samedi, semblent inévitables dans un pays qui va encore longtemps dépendre du charbon pour alimenter sa croissance économique.

Cette dépendance va se maintenir même si la Chine se tourne de plus en plus vers les énergies propres et renouvelables et insiste sur cet engagement à la veille du sommet de Copenhague sur le changement climatique.

Pour cette raison, je vous propose une version chinoises du roman d’Emile Zola dans la Chine d’aujourd’hui, qui donnerait ça :

Li Xiao Peng, qui s’oubliait devant le brasier à chauffer ses pauvres mains saignantes, regardait, retrouvait chaque partie de la fosse, le hangar goudronné du criblage, le beffroi du puits, la vaste chambre de la machine d’extraction, la tourelle carrée de la pompe d’épuisement. Cette fosse, tassée au fond d’un creux, avec ses constructions trapues de briques, dressant sa cheminée comme une corne menaçante, lui semblait avoir un air mauvais de bête goulue, accroupie là pour manger le monde.

Tout en l’examinant, il songeait à lui, à son existence de vagabond, depuis huit jours qu’il cherchait une place; il se revoyait dans son atelier du chemin de fer, giflant son chef, chassé de Datong, chassé de partout; le samedi, il était arrivé à Linfen, où l’on disait qu’il y avait du travail, à la compagnie d’Etat; et rien, ni à la compagnie d’Etat, ni dans la mine privée illégale, il avait dû passer le dimanche caché sous les bois d’un chantier de charronnage, dont le surveillant venait de l’expulser, à deux heures de la nuit.

Rien, plus un sou, pas même une croûte: qu’allait-il faire ainsi par les chemins, sans but, ne sachant seulement où s’abriter contre la bise?

Oui, c’était bien une fosse, les rares lanternes éclairaient le carreau, une porte brusquement ouverte lui avait permis d’entrevoir les foyers des générateurs, dans une clarté vive.

Il s’expliquait jusqu’à l’échappement de la pompe, cette respiration grosse et longue, soufflant sans relâche, qui était comme l’haleine engorgée du monstre.

En phrases rapides, il remontait au premier Li, il montrait toute cette famille usée à la mine, mangée par le Parti, plus affamée après cent ans de travail; et, devant elle, il mettait ensuite les ventres de la Province, qui suaient l’argent, toute la bande des politiciens entretenus comme des filles depuis un siècle, à ne rien faire, à jouir de leur corps.

N’était-ce pas effroyable? un peuple d’hommes crevant au fond de père en fils, pour qu’on paie des pots-de-vin à des ministres, pour que des générations de grands seigneurs et de corrompus donnent des fêtes ou s’engraissent au coin de leur feu!

Il avait étudié les maladies des mineurs, il les faisait défiler toutes, avec des détails effrayants: l’anémie, les scrofules, la bronchite noire, l’asthme qui étouffe, les rhumatismes qui paralysent.

Ces misérables, on les jetait en pâture aux machines, on les parquait ainsi que du bétail dans les mines, les compagnies étatiques les absorbaient peu à peu, réglementant l’esclavage, menaçant d’enrégimenter tous les travailleurs d’une nation, des millions de bras, pour la fortune d’un millier de paresseux.

Mais le mineur n’était plus l’ignorant, la brute écrasée dans les entrailles du sol. Une armée poussait des profondeurs des fosses, une moisson de citoyens dont la semence germait et ferait éclater la terre, un jour de grand soleil.

Et l’on saurait alors si, après quarante années de service, on oserait offrir cent cinquante Yuan de pension à un vieillard de soixante ans, crachant de la houille, les jambes enflées par l’eau des tailles.

Oui, le travail demanderait des comptes au capital, à ce dieu impersonnel, inconnu de l’ouvrier, accroupi quelque part, dans le mystère de son tabernacle, d’où il suçait la vie des meurt-de-faim qui le nourrissaient!

On irait là-bas, on finirait bien par lui voir sa face aux clartés des incendies, on le noierait sous le sang, ce pourceau immonde, cette idole monstrueuse, gorgée de chair humaine!

Images : Reuters

Extraits : Chapitre 2, Chapitre 5 de Germinal, Emile Zola (Acheter sur Amazon)

Le charbon hautement polluant devrait rester « la principale source d’électricité en Chine dans un avenir prévisible et devrait toujours représenter plus de 50% de la capacité énergétique installée de la Chine en 2020 », estime Thomas Grieder, analyste de IHS Global Insight.

Le gouvernement a pour projet d’augmenter la production de 30% d’ici à 2015 pour faire face à la demande.

Valérie Niquet directrice du centre Asie de l’Institut français des relations internationales, souligne que « le charbon demeure la clef de l’indépendance énergétique de la Chine ».

« Grâce à lui, le taux d’autosuffisance énergétique du pays s’élève en effet à 90%, soit 20% de plus que pour ceux de l’Organisation de coopération et de développement économique », a expliqué Mme Niquet dans un rapport publié en septembre.

« Comme le précise le 11e plan quinquennal, en matière énergétique, +le charbon constitue la base+ », écrit-elle aussi.

Ailun Yang, directrice de campagne de Greenpeace, avertit que d’autres catastrophes surviendront tant que la Chine conservera cette dépendance au charbon, lui fournissant aujourd’hui plus de 70% de son énergie.

Pour elle, l’accident samedi dans le Heilongjiang, une province du Nord-Est, « est un exemple du coût humain du charbon pour la Chine ».

« Un pays qui doit extraire tant de charbon chaque jour ne peut pas éviter ce genre d’accidents », dit-elle.

Les mines chinoises sont parmi les plus dangereuses au monde, notamment les houillères, où plus de 3.200 personnes ont péri l’an dernier, selon les statistiques officielles.

Plus d’info sur romandie.com

Avec près de 1200 Mtep en 2006, la Chine consomme davantage de charbon que les États-Unis, l’Europe et le Japon réunis. Le pays absorbe à lui seul plus de 38 % du charbon consommé dans le monde et sa consommation a doublé entre 2000 et 2006 !
Le charbon occupe une place prépondérante dans le panier énergétique chinois : en 2006, il représentait 70 % de la consommation d’énergie primaire. Alors que la part du charbon avait tendance à régresser entre 1994 et 2002 (passant de 76 % à 67,4 %), on  constate que ce chiffre est à nouveau en croissance régulière depuis 2003, ce qui illustre le rôle-clé joué par le charbon dans la satisfaction des besoins énergétiques occasionnés par la formidable croissance économique observée ces dernières années

Dossier charbon sur IFP

Un film à voir absolument : Blind Shaft, qui, filmé sous forme de documentaire (interdit en Chine) traite d’une histoire sordide dans les mines

10 réflexions au sujet de « Germinal en Chine, les mines de charbon ou les mineurs esclaves »

  1. 🙂 J’ai perdu mon mail précédent; je reprends; je disais donc que ce photo-reporter-ci était égal aux autres; extra;ici nous sommes les chinois de l’amérique du nord; notre premier-ministre canadien vient tout juste d’aller brader nos sables bitumineux (le plus polluant de tout les extraction de mazout)pour une bouchée de pain; la seule différence d’avec les chinois c’est que nous on a pas besoin de déplacer des populations; les plaines de l’ouest sont immences et désertes; comme l’était le désert de Gobi;by
    mildred

  2. On sait que ça existe mais les photos sont là pour « enfoncer le clou »… Bonne idée de calquer Germinal: toute l’humanité n’évolue pas en même temps.

  3. Bonjour, vous avez de très bonnes remarques au propos de la Chine, pays que je connais pas trop mal, je n’y trouve pas grand chose à redire mais juste un détail ici:

    Vaut-il mieux des morts et des blessés visibles ou construire Dix centrales nucléaires par an comme ils voulaient faire il n’y a pas si longtemps?
    C’est la même problématique avec le barrage des trois gorges, que veut-on? Du nucléaire ou un bouleversement écologique?

    Quelque part, ça me désole, mais merci Fukushima et bien à vous!

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