Récemment, j’ai beaucoup parlé de films, à croire que je ne faisais que ça…. En fait, si je vous parle de Last Train Home, c’est qu’il reprend de très nombreux thèmes dont je vous parle régulièrement sur Si Mao Savait… Celui des migrants, de l’enfant unique, du travail en usine….
Celui d’aujourd’hui est plutôt un documentaire, filmé en 2009, sur une famille de ming gong (paysans migrants) dans le Guangdong.
Last Train Home (Le dernier train) est une œuvre lyrique et révélatrice qui nous montre les destins individuels se cachant derrière la célèbre étiquette « Made in China ». En Chine, le besoin en main d’œuvre bon marché des fameuses industries textiles a entraîné un mouvement migratoire de la campagne à la ville sans précédent, qui brise la structure familiale traditionnelle.
Pendant trois ans, Lixin Fan a suivi les époux Zhang, forcés depuis 16 ans à travailler à Guangzhou, à deux jours de train de chez eux, loin de leur fille qu’ils ne voient qu’une fois par an lors du nouvel an chinois. Avec un sens de l’observation unique et sensible, et une photographie magnifique et mélancolique, le cinéaste regarde au plus près l’intimité de cette famille déchirée, alors que d’étourdissantes scènes de foule démontrent l’organisation cauchemardesque du système de transport public.
Un film poignant qui révèle toutes les contradictions d’un pays, entre croissance économique galopante et exploitation humaine.
Last Train Home (Le dernier train) a été produit par la même équipe que Up The Yangtze (2007), Prix Génie du meilleur documentaire et documentaire canadien ayant connu le plus grand succès commercial en salle.
«J’ai voulu faire un film humain et non un reportage journalistique, souligne le réalisateur Lixin Fan. Les gens, ici, n’ont qu’une idée abstraite de ce qui se passe en Chine. J’espère que mon film permettra de leur faire voir l’envers de la médaille. On parle toujours de croissance économique, mais il faut comprendre à quel prix elle se fait.»
Ancien journaliste à la télé chinoise et monteur d’un documentaire sur le sida en Chine (To Live Is Better Than To Die, 2003), qui a été montré à Sundance notamment, Lixin Fan a tourné les dernières images de son premier long métrage en mars 2009, alors que 23 millions de personnes venaient de perdre leur emploi en quelques mois en Chine.
«C’est l’équivalent de la population du Canada! s’exclame le cinéaste. Le gouvernement ne protège pas suffisamment les travailleurs qui sont dans le dernier wagon de la mondialisation, sans droit de parole et encore moins de critique. C’est extrêmement triste.»
Documentaire social
En suivant pas à pas une famille chinoise pendant trois ans, le documentariste a pu aborder les questions sociales de la migration des travailleurs, de l’éducation, de la vieillesse et, surtout, des valeurs familiales.
«Ça m’a permis de toucher au grand paradoxe chinois de la pauvreté des gens de la campagne comparativement au développement qu’ont connu des villes comme Shanghai ou Pékin, en cette époque où la Chine s’essouffle à être une superpuissance mondiale», croit-il.
Famille décomposée
Le documentaire suit deux parents qui doivent travailler dans une usine de vêtements à deux jours de route de la maison, puisque la vie à la campagne ne leur permet plus de faire vivre leurs deux enfants. Lixin Fan est retourné plusieurs fois en Chine pour filmer cette famille décomposée.
«Les parents m’ont expliqué que ça faisait trois ans qu’ils n’étaient pas rentrés chez eux voir leurs enfants. J’ai trouvé cette réalité très choquante», confie-t-il.
Durant le tournage, leur fille de 17 ans quitte aussi la campagne pour aller travailler en usine, au grand dam de ses parents.
«Le problème de la migration est important, note le cinéaste. Tout le monde veut gagner de l’argent, mais cela bouleverse la tradition et les valeurs chinoises. Quitter la maison est grave pour une famille. Les parents se sacrifient pour leurs enfants mais, dans le contexte actuel, c’est énorme comme changement.»
Tournage dangereux
Ancien journaliste, Lixin Fan a pu filmer en Chine sans être importuné. Mais certaines scènes de foule ont été particulièrement périlleuses.
«Avec mon caméraman, raconte-t-il, nous avons été pris comme dans une rivière par la foule qui se ruait vers les trains. C’était dangereux mais ça valait la peine. Ces familles méritent notre respect. Elles contribuent beaucoup à ce qu’est devenue la Chine, mais aussi à l’économie mondiale, sans recevoir le mérite qui leur revient.»
Son prochain documentaire le fera retourner dans son pays d’origine. Le sujet: les fermes d’éoliennes les plus grandes du monde, dans l’ouest de la Chine.
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Votre présentation du film donne vraiment envie de le voir ! J’adore le cinéma asiatique 😉
Je n’ai pas vu ce film mais je pense que je vais bientôt essayer de le voir. C’est vrai que la Chine est pleine de contradiction, avec des valeurs spirituelles magnifiques, et en même temps une réalité parfois (souvent ?) plus difficile pour tout un chacun.
c’est en effet l’une des caractéristiques de ce beau pays !
Merci Charles pour ce rappel de la « vraie » Chine que nous avons trop tendance a oublier, et pourtant si si proche de nous, merci Ayi,.